D’où vient la tendance ? De MicroStrategy aux « treasury companies » européennes
En 2020, l’américain MicroStrategy (rebaptisé Strategy) a inauguré une stratégie d’accumulation de Bitcoin en trésorerie. Son PDG Michael Saylor a transformé la société de logiciels en véritable réserve de BTC cotée, accumulant plus de 636 000 bitcoins à ce jour. Le succès boursier de MicroStrategy (dont l’action surperforme le BTC ainsi que les indices boursiers exposés à la tech ) a suscité des émules dans le monde entier.

Dès 2021, quelques entreprises européennes pionnières ont suivi. En février 2021, l’Allemand SynBiotic SE (cannabis médical) est devenu la première société cotée en Allemagne à convertir une partie de sa trésorerie libre en bitcoins, invoquant la crainte de la dévaluation des monnaies fiat. La même année en Norvège, le conglomérat Aker ASA (Oslo) a créé la filiale Seetee et alloué l’intégralité de ses 500 millions NOK de réserve (≈58 M$) à l’achat de BTC : « nous utiliserons le bitcoin comme actif de trésorerie et serons des hodlers », écrivait son dirigeant Kjell Inge Røkke en mars 2021. Fin 2021, Aker détenait autour de 750 BTC via Seetee.
En France, pas (encore) de grandes capitalisations impliquées, mais quelques PME innovantes ont montré la voie.
Après le creux de 2022, cette tendance s’est emballée en 2023–2025, au point qu’on parle de véritable « Bitcoin Treasury Company » boom. Globalement, le nombre d’entreprises cotées détenant du Bitcoin a bondi de +120 % sur la seule année 2025. À fin juin 2025, on recensait 125 entreprises cotées dans le monde cumulant environ 847 000 BTC en trésorerie (environ 4 % de l’offre). Et selon Blockware Intelligence, au moins 36 nouvelles sociétés devraient ajouter du BTC à leur bilan d’ici fin 2025.
La course est surtout menée par des sociétés émergentes ou en difficulté cherchant un relais de croissance. On a vu de nombreuses sociétés se rebrander (notamment en Europe) en trésoreries crypto.

En Europe, une nouvelle vague en 2023–2025 a vu naître plusieurs acteurs cotés adoptant officiellement une stratégie de réserve en crypto-actifs (Bitcoin et Ether en tête). Nous dressons ci-dessous la carte de ces trésoreries « crypto » européennes, en évaluant leur éligibilité au PEA et les enjeux comptables et financiers pour les investisseurs.
Comprendre l’éligibilité PEA des actions crypto (UE/EEE, ISIN, cas particuliers)
Un critère clé pour les épargnants français est l’éligibilité au PEA des actions de ces entreprises. Pour qu’une action soit logeable dans un Plan d’Épargne en Actions, l’émetteur doit avoir son siège dans l’UE ou l’EEE (Espace Economique Européen), et ne pas être un fonds ni une société de type SIIC (foncière immobilière).
Concrètement, une société cotée en Europe avec ISIN commençant par un code pays UE/EEE sera en principe éligible, y compris sur un marché alternatif (Euronext Growth, First North, etc.), souvent même au PEA-PME si c’est une small cap (pratique si l’on a déjà investi 150 000 € dans son PEA).
Cas des sociétés européennes cotées hors Europe : si l’entreprise est domiciliée en UE mais cotée uniquement sur une bourse hors-EEE (ex: Nasdaq US), l’éligibilité PEA est incertaine. Juridiquement, les actions restent celles d’une société européenne, mais en pratique les intermédiaires peuvent refuser un titre étranger dans le PEA. Par exemple, le français Sequans Communications (siège à Paris) qui figure parmi les 25 premières trésoreries Bitcoin au monde avec ses 3 200 BTC est coté uniquement sur le NYSE : ses ADS (American Depositary Shares) ne sont généralement pas acceptés dans un PEA, faute de marché EEA.
De même, les entreprises britanniques depuis le Brexit ne sont plus éligibles (UK hors EEE). Vous ne pourrez donc pas investir dans The Smarter Web Company.
Double listing : certaines sociétés possèdent plusieurs cotations (ex: à Francfort et Paris). Si au moins une cotation éligible existe et que l’ISIN est UE, le titre devrait être PEA-compatible. À l’inverse, les trackers crypto (ETP), les SPAC exotiques ou holdings enregistrées hors UE sont exclus.
En résumé : nous privilégions ci-dessous les sociétés dont le siège social est en UE/EEE et dont l’action ordinaire est cotée sur un marché européen reconnu. Celles-ci sont marquées « Oui » dans la colonne PEA, sous réserve de confirmation auprès de votre courtier. Les cas douteux ou complexes (ADR, marchés non harmonisés) sont signalés en « Incertain ».
Panorama 2025 : la carte des trésoreries crypto en Europe
Au 3e trimestre 2025, on recense une quinzaine de sociétés européennes cotées ayant officiellement adopté une stratégie de trésorerie en actifs numériques (Bitcoin, Ether ou autres). Le tableau principal ci-dessous liste ces entreprises, avec leur pays, marché de cotation, actif accumulé, ampleur de la réserve, et éligibilité PEA estimée :
France : Leader européen avec 6 sociétés
La France compte un grand nombre d’entreprises exposées aux cryptos. Attention : la plupart d’entre elles étaient à la tête d’activités très peu rentables, perdaient énormément d’argent et ont pivoté vers cette stratégie pour assurer leur survie…
Capital B (ex-The Blockchain Group) – ALTBG
- Marché : Euronext Growth Paris
- Exposition : ~2 013 BTC (≈183 M€) (trésorerie directe)
- PEA : Oui (PEA/PME)
Tractial (ex-BD Multimedia) – ALBDM
- Marché : Euronext Growth Paris
- Exposition : ~25,03 BTC (±2,2 M€) (trésorerie directe)
- PEA : Oui (PEA-PME)
Acheter-Louer.fr (Sol Treasury) – ALALO
- Marché : Euronext Growth Paris
- Exposition : Solana — 14 905 SOL (≈2,3 M€ valeur) (via filiale dédiée)
- PEA : Oui (PEA-PME)
Boostheat (Bitcoin Hold) – ALBOO
- Marché : Euronext Growth Paris
- Exposition : Bitcoin (via filiale) — ~3,5 BTC (≈0,35 M€) — (2,45 BTC initiaux)
- PEA : Oui (PEA-PME)
Crypto Blockchain Industries – ALCBI
- Marché : Euronext Growth Paris
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe) — n/d (stratégie début 2023, ≥4 BTC)
- PEA : Oui (PEA-PME)
Ethero (ex-Entreparticuliers.com) – ALENT
- Marché : Euronext Growth Paris
- Exposition : Ethereum — ~3 122 ETH (réserve en cours) (trésorerie directe, staké)
- PEA : Oui (PEA-PME)
Sequans Comm. (SQNS) — SQNS
- Marché : NYSE (ADR SQNS)
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe prévue) — 0 BTC au 07/2025 (384 M$ levés pour achat BTC)
- PEA : Incertain
Allemagne : Bitcoin Group SE en tête des réserves européennes
Bitcoin Group SE – ADE
- Marché : Xetra Frankfurt
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe) — ~3 605 BTC (via Bitcoin.de)
- PEA : Oui (PEA)
Nakiki SE (en projet) – NAKI
- Marché : Bourse de Düsseldorf
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe prévue) — 0 BTC (plan 2025 : 1ère société DE 100 % BTC)
- PEA : Oui (PEA)
SynBiotic SE – SYB
- Marché : Börse Düsseldorf
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe) — non divulgué (≥1ère société DE, part de liquidités)
- PEA : Oui (PEA)
Espagne : La surprise Vanadi Coffee
Vanadi Coffee SA – VANA
- Marché : BME Growth Madrid
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe) — 54 BTC (objectif 1 milliard € d’achats)
- PEA : Oui (PEA-PME)
Pays-Bas : Ambition record avec AMBTS
AMBTS (Amsterdam Bitcoin TS) – AMBTS
- Marché : Euronext Amsterdam
- Exposition : Bitcoin (via véhicule dédié) — n/d (cible : 1 % du supply = 210k BTC)
- PEA : Oui (PEA)
Scandinavie : Pionniers nordiques
Aker ASA (Seetee) – AKER
- Marché : Oslo Børs
- Exposition : Bitcoin (via filiale Seetee) — ~754 BTC (au lancement, 2021)
- PEA : Oui (PEA)
H100 Group AB – H100
- Marché : NGM Nordic SME Stockholm
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe) — ~1 025 BTC (sept. 2025) — société santé pivot BTC
- PEA : Oui (PEA-PME) ¹
K33 AB (ex-Arcane Crypto) – K33
- Marché : Nasdaq First North Stockholm
- Exposition : Bitcoin (trésorerie directe) — ~10 BTC (1er achat, visée 1 000 BTC)
- PEA : Oui (PEA-PME) ¹
Légende : BTC = Bitcoin, ETH = Ether, SOL = Solana. Exposition via filiale = l’actif est détenu par une structure dédiée (ex: « Sol Treasury Corp », « Bitcoin Hold France »…) consolidée en trésorerie du groupe.
¹ Sociétés nordiques cotées sur des marchés alternatifs (NGM, First North) : éligibles théoriquement (UE/EEE), mais tous les courtiers FR ne donnent pas accès à ces places. Vérifier au cas par cas.
² Sequans : société française, donc éligible de droit, mais son titre est un ADR côté aux USA et donc non disponible sur PEA standard.
Ce panorama montre une concentration en Europe de l’Ouest et du Nord. La France s’illustre par plusieurs microcaps sur Euronext Growth Paris adoptant une stratégie Bitcoin/Ether (six cas en 2025), profitant d’un environnement réglementaire favorable (statut PSAN, investisseurs stratégiques locaux comme Alpha Blue Ocean bien connu pour ses OCA extrêmement dilutives, TOBAM, etc.). L’Allemagne et la Scandinavie ne sont pas en reste : l’Allemagne compte la plus importante réserve de BTC en Europe via Bitcoin Group SE (≈3 600 BTC) qui possède la plateforme Bitcoin.de, et voit émerger en 2025 des pure-players comme Nakiki SE (bientôt 100 % Bitcoin).
La Norvège (Aker) et la Suède (H100, K33) ont aussi rejoint le mouvement. L’Espagne a créé la surprise avec Vanadi Coffee, une petite chaîne de cafés d’Alicante qui a approuvé un plan audacieux d’investissement d’1 milliard € en Bitcoin ! La société a déjà acheté 54 BTC et vise à devenir le « MicroStrategy espagnol ».
En tout, on estime une vingtaine de sociétés UE/EEE impliquées à différents degrés fin 2025. Ce chiffre pourrait croître rapidement : 153 entreprises publiques dans le monde ont adopté ce modèle sur la « dernière vague » (dont une part croissante en Europe), représentant environ 86 milliards de dollars levés en 2025 pour acheter des crypto-actifs.
Répartition par pays : Aucune nation européenne n’atteint encore la « haute concentration » (≥10 treasury companies cotées) définie par Galaxy Digital. Les pays les plus actifs en 2025 sont la France, l’Allemagne et la Suède (entre 3 et 6 sociétés chacune, concentration moyenne), suivis de près par la Norvège, les Pays-Bas et l’Espagne (1–2 cas significatifs chacun, concentration faible). D’autres pays de l’EEE observent le phénomène mais sans cas public majeur à ce jour.
La nouvelle vague 2023–2025 : annonces récentes et politiques officielles
2023–2025 a vu une accélération sans précédent en Europe, avec une série d’annonces de réserves crypto par des sociétés cotées, souvent accompagnées de levées de fonds dédiées. Voici quelques jalons marquants de cette « nouvelle vague » :
- Mars 2023 (France) — Crypto Blockchain Industries (CBI, Paris) lance un partenariat stratégique avec le mineur américain Blockware, prévoyant une levée de 5 M€ pour acheter des bitcoins. CBI ambitionne d’accumuler du BTC via sa filiale ACE et se présente comme un incubateur blockchain avec trésorerie crypto.
- Juin 2023 (Suède) — Arcane Crypto annonce son repositionnement en K33, un broker crypto coté à Stockholm, avec une stratégie d’accumulation de BTC. En 2024, K33 lève 60 M SEK pour acheter jusqu’à 1 000 BTC et réalise un premier achat de 10 BTC en 2025.
- Début 2025 (France) — Plusieurs PME tech françaises basculent : BD Multimedia change de nom en Tractial et devient la 1ère institution financière régulée d’Europe à adopter une stratégie structurée d’accumulation de Bitcoin (agrément PSAN). Tractial entre en juillet 2025 dans le Top 100 mondial des détenteurs de BTC en ayant accumulé 25 BTC en trésorerie (prix moyen ~88 724 €).
De son côté, The Blockchain Group se renomme Capital B et dépasse en juillet le seuil symbolique de 2 000 BTC détenus (avec l’appui d’investisseurs comme Adam Back et TOBAM), se proclamant « 1ère Bitcoin Treasury Company européenne ». Sa performance YTD est spectaculaire (+1 410 % de « BTC yield ») grâce à la hausse du BTC et aux émissions dilutives accréditives.
- Juin 2025 (Espagne) — Le conseil d’administration de Vanadi Coffee SA approuve un plan de conversion radical : la petite chaîne de cafés va investir jusqu’à 1 milliard € en Bitcoin. Fin juin, Vanadi achète 20 BTC supplémentaires, portant ses avoirs à 54 BTC custodiés localement. L’annonce triple le cours de l’action en un mois. Vanadi ambitionne de devenir la plus grosse réserve de BTC cotée en Espagne, suivant « le modèle de Strategy aux USA ».
- Juillet 2025 (Allemagne) — Nakiki SE dévoile sa volonté de devenir la 1ère société allemande cotée à adopter un plan d’affaires 100 % Bitcoin en trésorerie. Elle convoque une AG pour changer de nom et lever des fonds afin de constituer son portefeuille BTC. Cette annonce fait suite à celle d’Evertz Pharma (privée), signe d’un engouement y compris hors cote.
Par ailleurs, l’action Bitcoin Group SE s’apprécie fortement en 2025, portée par ses 3 600 BTC de réserve valorisés ~110 Mds ¥ (Bitcoin > 100 k$ fin 2025).
- Août 2025 (France) — Sequans Communications, mid-cap télécoms, surprend en levant 384 M$ (via émissions privées et obligations convertibles) dans le but d’acheter du Bitcoin pour sa trésorerie. Son PDG y voit un moyen d’« améliorer la résilience financière et créer de la valeur long-terme » en accumulant du BTC. L’action Sequans flambe de +45 % sur la nouvelle. C’est la première opération de cette ampleur en France.
- Août 2025 (Suède) — H100 Group AB, obscure entreprise de « healthtech » suédoise, entre dans la lumière en dépassant les 1 000 BTC accumulés en un temps record (104 jours). Avec l’appui du PDG de Blockstream (A. Back) et d’investisseurs, H100 a transformé son modèle pour faire de sa trésorerie un réservoir de bitcoins (elle en détenait à peine 4,4 BTC début 2025). Sa capitalisation a explosé et elle symbolise l’attrait spéculatif de ce nouveau modèle « trésorerie = centre de profit ».
- Sept 2025 (Pays-Bas) — La société de services crypto AMDAX BV lance officiellement AMBTS (Amsterdam Bitcoin Treasury Strategy) sur Euronext Amsterdam, après avoir levé 20 M€ initialement. AMBTS vise ni plus ni moins qu’à acquérir 1 % de tous les bitcoins existants sur les années à venir (environ 210 000 BTC), partageant la même ambition que le français Capital B. Ce véhicule d’un genre nouveau en Europe compte profiter des marchés de capitaux pour émettre des actions, acheter des BTC, et répéter l’opération (stratégie de dilution « accrétive »). Les Pays-Bas s’imposent ainsi sur la carte, en misant sur l’engouement pour ces « coffres-forts » numériques cotés.
En parallèle de ces cas, d’autres modèles hybrides émergent : par ex. en juillet 2025 la société Trump Media & Tech Group lève 2,5 Mds $ pour acheter du BTC ; au Japon, Metaplanet a levé 125 Mds ¥ (un peu moins de 750 millions d’euros) pour sa stratégie Bitcoin. Ces développements internationaux ont un impact indirect en Europe en légitimant le concept.
En synthèse, la période 2023–2025 a vu en Europe une évolution de niche vers la tendance de marché : initialement confinée à quelques visionnaires (Aker, SynBiotic), la trésorerie crypto est désormais adoptée par des PME cotées variées (fintech, immobilière, industrie, etc.) étant plus souvent motivées par l’idée de gonfler leurs cours de Bourse qu’en une réelle croyance dans ces technologies…
Cette prolifération s’auto-entretient : chaque réussite boursière (ex : +300 % sur Vanadi, +1000 % sur Capital B) incite d’autres dirigeants en quête de relancer leur cours à tenter l’aventure, alimentant ce que la presse appelle déjà une « bulle Bitcoin treasury » susceptible d’inquiéter les régulateurs.
Comptabilisation IFRS et implications pour l’investisseur PEA
Au-delà de l’effet d’annonce, la détention de crypto-actifs en trésorerie pose des défis comptables et financiers majeurs, notamment sous référentiel IFRS (adopté par la plupart des sociétés cotées en Europe).
Traitement comptable (IFRS) : Actuellement, les normes IFRS considèrent Bitcoin, Ether et autres cryptos comme des immobilisations incorporelles (IAS 38) s’il s’agit d’investissement long terme. Cela implique une valorisation au coût historique, avec test de dépréciation : si le cours baisse sous le prix d’achat, l’entreprise doit comptabiliser une charge d’impairment (perte de valeur) qui réduit son résultat, et ne peut plus rehausser la valeur comptable ensuite si le cours remonte (pas de mark-to-market positif autorisé).
En clair, le bilan reflète le plus bas cours depuis l’acquisition, pas la valeur actuelle si elle est supérieure. Cela peut fortement sous-estimer la richesse réelle en crypto de l’entreprise. Par exemple, MicroStrategy en US GAAP a dû passer d’importantes dépréciations en 2021–2022 pendant le marché baissier.
Les investisseurs doivent donc lire entre les lignes des bilans : la juste valeur des cryptos détenus figure souvent en annexe ou communiqué (valorisation au cours de fin de période). À noter que l’IASB travaille à faire évoluer ce traitement vers le juste valeur (fair value) à l’avenir, sous la pression des acteurs du secteur. D’ailleurs, le référentiel US GAAP a adopté en 2023 la fair value pour les cryptos, permettant dès 2025 aux entreprises américaines de refléter les gains latents (un avantage en termes de transparence).
Impact sur les comptes : En IFRS, les bitcoins/ethers de trésorerie sont généralement classés en actifs non courants (incorporels) ou parfois en stocks (si activité de négoce). Ils n’affectent pas l’EBITDA tant qu’on ne les vend pas (pas d’amortissement, seulement des charges d’impairment éventuelles). En revanche, les fluctuations peuvent impacter le résultat net par le jeu des dépréciations.
Par exemple, Capital B a indiqué un coût d’acquisition moyen de ~90 863 € par BTC : si le BTC tombait durablement sous ce niveau, des pertes devraient être comptabilisées. Inversement, en cas de forte hausse, aucune réévaluation bénéficiaire n’est reconnue en résultat : cela crée des réserves latentes cachées dans le hors-bilan, jusqu’à réalisation par une vente effective.
Pour l’investisseur, cela signifie que l’actif net réévalué (ANR) de ces sociétés peut être bien supérieur à leurs capitaux propres comptables. Beaucoup communiquent d’ailleurs sur la valeur de marché de leurs avoirs crypto. Ex: Capital B valorisait ses 2 013 BTC à ~182,9 M€ (90 863 €/BTC) dans son communiqué, alors que le coût brut historique était moindre.
Les analystes calculent souvent le « Bitcoin per share » (BTC par action) et la prime boursière sur l’ANR crypto. À titre illustratif, la prime moyenne du secteur est de ~58 % (MSTR) mais varie énormément (Metaplanet au Japon se traite à +179 % de prime). Une partie de la valorisation reflète donc l’espoir de hausse future du BTC ou de stratégies d’accumulation réussies.
Volatilité accrue : Ces entreprises deviennent quasi des proxies de cryptomonnaies. Leur cours peut être extrêmement volatil et corrélé au marché crypto. L’action Strategy (MicroStrategy) est souvent comparée à un ETF Bitcoin « à effet de levier » étant donné l’ampleur de sa réserve (valant environ 70 milliards de dollars) et ses produits adjacents. En Europe, des small caps comme H100 ou Vanadi ont vu leur volatilité exploser.
Le porteur d’actions doit en être conscient : investir dans ces sociétés revient en partie à prendre une exposition indirecte au Bitcoin/Ether, avec en sus les risques propres (dilution, liquidité, gestion).
Dilution et financement : Justement, un aspect crucial est la manière dont ces réserves sont financées. Beaucoup d’entreprises de la liste ont recours à des émissions d’actions fréquentes (augmentations de capital, placements privés, ATM programs — at-the-market) ou à des obligations convertibles. Tant que le marché paie une prime sur l’ANR, émettre des actions pour acheter plus de crypto peut être relutif en valeur par action (accretive dilution). C’est le moteur du modèle « raise cash, buy crypto, repeat » décrit par Galaxy.
En Europe, Capital B en est un exemple : ses levées (souvent souscrites par des fonds crypto comme TOBAM) ont permis d’accroître le « BTC par action » globalement. Mais le risque est de sur-diluer les actionnaires si la prime venait à disparaître. Certains recours aux PIPE (placements privés à décote) ont pu inquiéter : ex. Nakamoto (US) a levé 51 M$ via PIPE en 2025 pour acheter du BTC, au prix d’une décote de marché et d’un potentiel « overhang » (pression vendeuse future).
L’Européen Vanadi a évoqué le soutien d’un fonds Alpha Blue Ocean (ABO) pour financer ses achats, souvent synonyme de convertibles dilutifs étalés. Pour l’investisseur, vigilance : bien regarder le pourcentage de dilution et l’utilisation des fonds annoncés lors de ces opérations. L’historique des entreprises financées par ABO ne plaide pas en faveur de l’investisseur particulier.
Une trésorerie BTC financée à > 100 % du cours actuel (décote + frais) détruirait de la valeur, à l’inverse d’une émission au-dessus de la NAV.
Réglementation et audit : Détenir des crypto-actifs soulève aussi des enjeux de sécurité (stockage à froid, protection des clés privées) et de conformité. En Europe, les régulateurs (ESMA, AMF…) commencent à encadrer la communication financière sur ces actifs. Certaines sociétés, comme Boostheat, publient des avertissements détaillés sur les risques cyber et réglementaires liés à Bitcoin.
L’auditeur doit vérifier l’existence et la valorisation de ces avoirs — pas évident sans tiers de confiance. Avec l’arrivée de MiCA (règlement européen 2024), on peut s’attendre à davantage de standardisation des disclosures. En attendant, la transparence varie : beaucoup communiquent via des press releases dédiés aux achats de BTC/ETH, parfois en quasi temps réel (cf. les annonces mensuelles de Vanadi, H100, etc.), pour tenir le marché informé et soutenir le narratif.
Questions fréquentes (FAQ)
Questions fréquentes (FAQ)
Une société britannique qui détient du Bitcoin est-elle éligible au PEA ?
Non, depuis le Brexit les sociétés domiciliées au Royaume-Uni ne sont plus éligibles au PEA. Même si elles sont cotées sur Euronext ou ailleurs, leur siège hors UE/EEE les exclut. Par exemple, Argo Blockchain plc (miner UK) ou Mode Global (fintech UK) ne peuvent figurer dans un PEA. Il existe toutefois des ETF éligibles PEA qui répliquent des indices d’actions crypto internationales.
Peut-on avoir des crypto-actifs en direct dans un PEA ?
Non, un PEA ne peut contenir que des titres (actions, parts de sociétés ou OPCVM européens éligibles). On ne peut pas y loger de Bitcoin ou Ether en direct. En revanche, on peut détenir via le PEA des actions de sociétés qui, elles, possèdent du BTC/ETH. C’est précisément l’intérêt de ces treasury companies : offrir une exposition indirecte, sous enveloppe PEA, à la performance du Bitcoin/Ether. Attention toutefois aux risques mentionnés (volatilité, décote/surcote, etc.).
Comment une entreprise comptabilise-t-elle le Bitcoin en trésorerie ?
En normes IFRS, les cryptos sont traitées comme des immobilisations incorporelles (IAS 38) et non comme de la trésorerie équivalente. Elles sont enregistrées au coût d’achat sur le bilan, éventuellement dans une rubrique dédiée (crypto assets). À chaque clôture, on compare la valeur recouvrable (cours de marché) au coût : si le cours a baissé sous le coût, on comptabilise une dépréciation (perte) en résultat. Si le cours monte, on ne comptabilise aucun gain latent — l’actif reste valorisé au coût (principe de prudence). Ce n’est qu’en vendant que l’entreprise enregistrera un gain éventuellement.
Ce traitement asymétrique est appelé à évoluer (projet IFRS) pour mieux refléter la fair value, mais en 2025 on en est encore là. En normes locales (par ex. French Gaap), c’est similaire (actif incorporel non amortissable, dépréciations).
Quelle différence entre une entreprise qui détient du BTC en trésorerie et une entreprise « crypto » (mineur, exchange) ?
La différence tient à l’objectif et la nature de l’exposition. Une société de minage ou un exchange détient des cryptos comme stock ou en-cours liés à son activité principale (production de bitcoins pour un mineur, liquidités clients pour un exchange). Cette détention est généralement de court terme ou liée au cycle opérationnel, pas une stratégie d’investissement de trésorerie.
En revanche, une Bitcoin Treasury Company alloue volontairement une partie de sa trésorerie excédentaire à l’achat de BTC/ETH comme réserve de valeur à long terme (stratégie de gestion financière). Dans le premier cas, l’exposition est subie (conséquence de l’activité) et souvent couverte ou écoulée régulièrement, tandis que dans le second, l’exposition est recherchée et stable.
À noter qu’une même entreprise peut combiner les deux : Tractial par ex. est à la fois PSAN (activité crypto) et a une trésorerie Bitcoin stratégique.
Pourquoi certains brokers divergent sur l’éligibilité PEA de tel ou tel titre « crypto » ?
Les listes PEA diffèrent car la définition légale doit être interprétée par chaque intermédiaire. Parfois, le lieu de cotation pose question : une société UE cotée sur un marché non reconnu par le courtier peut être indisponible dans le PEA qu’il propose. Exemple : H100 AB (SE) sur NGM Nordic n’est pas accessible chez tous les brokers français, donc figurera comme « non éligible » chez l’un et absente chez un autre.
De même, Sequans (FR, cotée NYSE) est juridiquement éligible mais matériellement non intégrable dans le PEA standard, donc les courtiers la classent non éligible. Il y a aussi la prudence : si une société a une structure juridique complexe (holdings luxembourgeoises, etc.), certains préféreront l’exclure par défaut.
En cas de doute, il faut consulter la documentation du courtier ou interroger son support. Généralement, l’ISIN permet de trancher (FR, DE, SE… = ok), sauf instruments particuliers (ADR, GDR). Les sites des courtiers (Boursorama, Bourse Direct…) affichent souvent la mention « Éligible PEA » sur la fiche valeur.
Les « Bitcoin treasury companies » représentent-elles un risque de bulle ?
C’est un sujet de débat. Certains analystes (Glassnode, etc.) estiment que « la stratégie de trésorerie Bitcoin aura une durée de vie plus courte que prévu », surtout si les gains faciles sont déjà faits. En effet, tout ce modèle repose sur la confiance du marché : il faut que les investisseurs continuent de payer une prime sur la valeur bitcoin détenue, permettant de lever plus de fonds et acheter plus de BTC, etc.
Si le Bitcoin entame un cycle baissier prolongé ou que le marché actions se détourne, ces sociétés pourraient se retrouver en difficulté (dilution massive à bas prix, spirale de la mort évoquée par certains). La liquidité de leurs titres est parfois faible, amplifiant la volatilité.
Cependant, d’autres pensent que ces entreprises joueront un rôle stabilisateur lors des baisses en servant de « main forte » (elles n’ont pas de raison de vendre leur trésorerie BTC, au contraire des spéculateurs).
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’investissements risqués par nature, à manier en connaissance de cause et dans une optique de diversification, pas de pari unique.